Zoom sur l’Information Scientifique et Technique et les URFIST

Après avoir défini l’information scientifique et technique et dressé un bref historique de ses évolutions et de ses enjeux, cet article présente des institutions spécifiques à la France et encore trop souvent méconnues : les URFIST. Organisées en un réseau national, les URFIST ont pour objectif de favoriser l’accès à l’information scientifique et technique dans l’enseignement supérieur et la recherche.

QU’EST-CE QUE L’INFORMATION SCIENTIFIQUE ET TECHNIQUE (IST) ?

La désignation «information scientifique et technique» est apparue dans les années 60 pour désigner : «l’ensemble des informations produites par la recherche et nécessaires à l’activité scientifique comme à l’industrie[1]». L’IST correspond donc aux informations produites par la communauté scientifique (enseignants-chercheurs, chercheurs, doctorants, étudiants de master) dans toutes les disciplines. L’IST se décline sous différentes formes de publications et inclut :

  • Les publications relevant de la littérature blanche [2] c’est-à-dire : les articles scientifiques, les revues scientifiques, les ouvrages scientifiques.
  • Mais aussi les nombreuses publications relevant de la littérature grise comme : les thèses, les mémoires, les habilitations à diriger des recherches (HDR), les pré- publications, les actes de colloques, les conférences, les rapports de recherche, les carnets de recherche, les jeux de données, les bases de données bibliographiques, les notices de brevets, les spécifications techniques décrivant des processus de fabrication, la documentation technique accompagnant les produits [3].

 

LES ÉVOLUTIONS DE L’IST

L’information scientifique et technique est née avec les premières revues scientifiques du 17° siècle [4]. Le développement récent des nouvelles technologies de l’information et de la communication a profondément modifié l’IST, même si les enjeux fondamentaux restent inchangés; c’est-à-dire (Schöpfel, 2011) :

  • Protéger les droits d’auteur d’une idée ou d’une découverte scientifique (enregistrement).
  • Diffuser les résultats de la recherche (diffusion).
  • Soumettre les résultats de la recherche à la critique et au débat (évaluation par les pairs).
  • Conserver ces résultats de façon pérenne (archivage).

 

On peut résumer les évolutions récentes de l’IST en cinq points :

1. Tout d’abord, la numérisation de la production scientifique est venue bouleverser les modes de publication. Avant les années 80 l’édition de l’IST est encore publiée par des sociétés savantes sous forme papier même si des éditeurs commerciaux se développent. Puis, avec le début des bases de données et la généralisation d’internet (qui a vu la numérisation de la production scientifique) [5]. Les grands éditeurs commerciaux se trouvent rapidement en situation de quasi-monopole – les plus petits éditeurs n’ayant pu suivre la transformation numérique. Ils imposent alors aux BU de façon unilatérale le modèle de l’abonnement à des bouquets de revues aux coûts de plus en plus élevés [6]. La conséquence de cette situation est le point suivant.

2. La question de l’accès à l’IST devient un enjeu central car les institutions n’ont plus les moyens d’assumer les coûts des abonnements. Se développe alors le libre accès qui entraîne une diversification des modèles de publication [7].

3. L’autre évolution importante est l’inflation du nombre de publications qui est corrélée à un élargissement du public scientifique [8].

4. Au niveau de la diffusion, on observe une accélération de la circulation des travaux scientifiques en raison du développement du libre accès. Par ailleurs, on observe qu‘internet a facilité l’accès à la littérature grise autrefois assez confidentielle et difficile d’accès (au point que l’on peut se demander si l’appellation de « littérature grise » est toujours pertinente) [9].

5. Enfin, le numérique a entraîné le développement d’infrastructures numériques comme les bibliothèques numériques, les réseaux sociaux de chercheurs, les outils collaboratifs, les agrégateurs de revues électroniques…[10]

LA CRÉATION DES URFIST

Les Unités Régionales de Formation à l’Information Scientifique et technique (URFIST) comme leur nom l’indique, «sont chargées de développer la maîtrise de l’information scientifique et technique (IST) dans l’enseignement supérieur et la recherche[11]». Les URFIST existent depuis plus de trente ans (Noël, 2013). Elles ont été créées en 1982 à la suite de plusieurs rapports nationaux ayant pointé du doigt l’importance de l’information scientifique et technique (IST) et la nécessité de sa gestion :

  • le Plan Calcul de 1966 [12]
  • le deuxième Plan Calcul de 1971
  • le Rapport Nora-Minc de 1978 intitulé «L’informatisation de la société»

Dans un contexte où les bibliothèques universitaires (BU) étaient assez peu fréquentées et où se développaient des Banques de données en ligne dont l’usage restait assez confidentiel (seuls quelques enseignants-chercheurs et de rares étudiants savaient alors les utiliser), le besoin de formation se faisait sentir. Les URFIST ont alors été conçues comme «un pont entre bibliothèque et université [13]» et pour cette raison sont dirigées par un binôme composé d’un conservateur des bibliothèques et d’un universitaire (aujourd’hui, il s’agit souvent d’un enseignant-chercheur). Chaque binôme est épaulé par un responsable administratif. Ainsi un URFIST est composé de trois personnes, à l’exception de l’URFIST de Paris qui dessert une zone géographique plus importante et qui est donc composée de six personnes.

Les URFIST sont des structures interacadémiques dont le but est de desservir l’ensemble du territoire [14]. Au départ, huit URFIST ont été créées. Il y en a sept aujourd’hui :

  • URFIST de Bordeaux
  • URFIST de Lyon
  • URFIST de Nice
  • URFIST de Paris
  • URFIST de Rennes
  • URFIST de Strasbourg
  • URFIST de Toulouse

MISSIONS, ACTIVITÉS ET PUBLIC DES URFIST

Les missions des URFIST et le public qu’ils visent n’a fait que s’étendre depuis leur création. Au départ, les URFIST se concentrent sur la formation de formateurs – leur but est principalement la formation à l’interrogation des bases de données en ligne au niveau régional. Cependant, aujourd’hui les missions des URFIST se sont élargies et par conséquent leurs activités se sont diversifiées comme l’explique le blog des URFIST [15].

Malgré cette diversification, la formation reste au centre des activités des URFIST – et ce depuis leur création – à travers la «conception et mise en œuvre d’une offre cohérente de formation», la «formation de formateurs» et la «conception, réalisation et diffusion d’outils pédagogiques adaptés[16]». Les URFIST ont par ailleurs un rôle important de veille et de recherche en information scientifique et technique qui leur permet d’avoir une fonction d’expertise et de conseil dans le domaine. Enfin, les URFIST prennent part «à des activités éditoriales dans le domaine de la maîtrise de l’information», animent des réseaux professionnels et scientifiques, organisent et interviennent dans des colloques ou lors de journées d’études.

Les domaines de formation, de veille, de recherche et d’expertise des URFIST concernent :

  • la culture informationnelle de façon générale
  • l’information scientifique et technique
  • les ressources en IST pour l’enseignement supérieur et la recherche
  • les méthodes et les techniques de recherche de l’IST
  • les méthodes et les techniques d’analyse et d’exploitation de l’IST
  • la production, l’édition, la communication et la diffusion scientifique [17]

Encore trop souvent méconnues, les URFIST s’adressent à un public très large composé : d’enseignants-chercheurs, de formateurs à la maîtrise de l’IST (ingénierie de formation et pédagogie), de professionnels de l’information et de la documentation de l’enseignement supérieur et de la recherche, de doctorants et d’étudiants avancés (à compter du master 2). A titre d’exemple, en 2013, malgré la petite taille de leurs effectifs, les URFIST ont réalisé «621 actions, près de 3 500 heures de formation dont ont bénéficié plus de 9300 personnes[18]»

CRÉATION DU GIS DU RÉSEAU DES URFIST

Le Groupement d’Intérêt Scientifique est une instance consultative récente créée en 2017 à la suite des «Recommandations du groupe de travail URFIST[19]» présidé par Pierre Carbone en 2014. Dans l’objectif de structurer les URFIST en un réseau national doté d’implantations territoriales (Serres, 2015), le groupe de travail propose (entre autres) de constituer un groupement d’intérêt scientifique (GIS). Le GIS du réseau des URFIST a pour objectif «de faire émerger une politique de recherche commune, de mutualiser les innovations en matière de formation et de diffusion et de développer une veille en partenariat» [20]. Cela passe par un renforcement du «lien recherche-formation dans l’activité des URFIST» et du «lien entre universités et laboratoires autour de la recherche en IST».

Les missions du Conseil scientifique du GIS [21] sont de :

  • rendre un avis sur les projets et demandes de financement soumis par les partenaires
  • formuler des recommandations sur les orientations scientifiques du GIS et faire des propositions d’actions
  • rendre un avis sur le rapport d’activité et le rapport financier présentés annuellement par le directeur du GIS
  • organiser l’évaluation scientifique des programmes de recherche sélectionnés par le GIS dans les conditions déterminées par le conseil des partenaires

 

Sonia SALAMI

 

Notes

[1] Définition donnée par le gouvernement. Accessible sur le site web : www.enseignementsup-recherche.gouv.fr 
[2] «La littérature blanche correspond aux documents « diffusés par  »voie normale », c’est-à-dire soumis à la formalité du dépôt légal et qui sont consultables grâce, entre autres, à des outils de recherche et à une organisation documentaire capable de maîtriser le flux incessant de l’information» (Halima, S. (2007). La littérature grise : face méconnue de la documentation scientifique (1re partie). Documentation et bibliothèques, 53(4), p.205. Accessible sur le site web : https://www.erudit.org
[3] Source : site du gouvernement
[4] Pour avoir plus de détail, voir article de Carole-Anne MATEL sur l’histoire des revues scientifiques
[5] Voir résumé de l’intervention de Rémi Barré dans NOËL, 2012.
[6] Voir dans ce numéro l’article de Laure PIERRAT sur la loi pour une République Numérique
[7] Pour avoir plus de détail sur les epi-revues, voir l’articles de Sonia SALAMI, Cédric MARION et Constance PICQUE « Le CCSD, un acteur majeur de l’Open Access en France »[8] Voir SCHÖPFEL, 2001 : «Pourquoi cette augmentation, que certains décrivent comme une explosion, en regrettant de voir aujourd’hui beaucoup trop de titres ? En fait, il n’y a pas trop de titres. Mabe (2003) a démontré le rapport direct entre le nombre des revues, le nombre des chercheurs et le budget global de la recherche, avec une corrélation positive significative entre ces trois chiffres. Autrement dit : le nombre des revues augmente au même rythme que celui des chercheurs et des dépenses pour la recherche.»

[9] HALIMA, 2007, p. 210
[10] www.cnrs.fr/inshs/recherche/ist/information-scientifique.htm
[11] Blog des URFIST, section «A propos»
[12] «Le plan Calcul était un plan gouvernemental français lancé en 1966 par le président Charles de Gaulle sur l’impulsion de Michel Debré et d’un groupe de hauts fonctionnaires et d’industriels, destiné à assurer l’autonomie du pays dans les technologies de l’information, et à développer une informatique européenne» (définition Wikipedia).
[13] «Les URFIST» Bulletin des bibliothèques de France (BBF)
[14] «Chaque URFIST a pour mission de couvrir plusieurs académies ; le champ de l’URFIST de Paris est particulièrement vaste : 10 académies dont les DOM-TOM. Seules les académies de Lille et Amiens ne sont pas couvertes, en effet la 8ème URFIST a disparu à la suite de la création de l’UFR IDIST à Lille (devenue depuis département SID)» (Carbone, 2014)
[15] Ibidem.
[16] Ibid.
[17] Blog des URFIST, section «A propos»
[18] Ibid. Les URFIST touchent aujourd’hui un large public : «Leur bilan n’est pas négligeable : en 2013, 621 actions, près de 3 500 heures de formation dont ont bénéficié plus de 9 300 personnes». (Carbone, 2014, p.1)
[19] Titre du rapport (CARBONE, 2014)
[20] Ibidem p. 10.
[21] Les missions du conseil scientifique du GIS sont tirées de l’ «Appel à candidatures pour former le Conseil Scientifique du GIS « Réseau des URFIST».

Bibliographie

CARBONE Pierre, Recommandations du groupe de travail URFIST, rapport, 2014.

COMBEROUSSE Martine, «Histoire de l’information scientifique et technique», Bulletin des bibliothèques de France (BBF), 2000, n° 2, p. 144-145.

NOËL Elisabeth, «Vers une rénovation des URFIST», article publié sur le site de l’ENSSIB le 19/12/2015. URL : www.enssib.fr/breves/2015/02/19/vers-une-renovation-des-urfist

NOËL Elisabeth, «Trente ans de politiques d’information scientifique et technique (1982–2012)», compte rendu de la journée nationale du réseau des URFIST du 26 novembre 2012.

SCHÖPFEL Joachim, «Les mutations du paysage de l’information scientifique» dans La formation des doctorants à l’information scientifique et technique, Villeurbanne : Presses de l’enssib, 2011. URL : http://books.openedition.org/pressesenssib/941

SERRES Alexandre, «Le Réseau des URFIST à un tournant de son histoire», publié sur le blog des URFIST le 16/02/2015. URL : urfistinfo.hypotheses.org/2725

«Les URFIST», Bulletin des bibliothèques de France (BBF),1983, n° 3, p. 285-287. URL : http://bbf.enssib.fr/consulter/bbf-1983-03-0285-002