Lucie Albaret, conservatrice à la BU Sciences de Grenoble

Bibliothèque (Source : Pixabay - CC0)
Bibliothèque (Source : Pixabay - CC0)

Lucie Albaret, vous êtes conservatrice à la Bibliothèque Universitaire Sciences de Grenoble. Nous nous sommes rencontrées l’an passé alors que vous présentiez les avancées de l’Open Access pour les chercheurs à la librairie Arthaud (Grenoble). Aujourd’hui, la question de la diffusion de la recherche semble s’étendre aux données de la recherche. Pouvez-vous faire un bref retour sur l’Open Access et sur le rôle des bibliothèques dans ce mouvement ?

Je dois dire tout d’abord qu’il s’agit de mon point de vue et qu’il y a beaucoup de littérature sur le sujet. Il y a notamment le blog de Marlène Delhaye qui s’appelle Marlene’s corner. Elle a écrit de nombreux billets sur le sujet et sur l’évolution du rôle des bibliothèques et la nécessaire réflexion que les professionnels doivent avoir sur leur métier. Beaucoup de littérature professionnelle a également été écrite sur ces questions. Les bibliothèques se sont emparées assez tôt du sujet. Dès les années 2004, des écrits ont été publiés sur ces questions, notamment en raison du coût d’accès aux publications numériques.

Pourquoi est-ce important pour les bibliothèques ?

Notre mission est de donner accès à la documentation pertinente et dont les publics ont besoin. On a très vite été confronté aux difficultés de gestion des collections numériques et notamment des abonnements numériques. On s’est transformé en donneurs d’accès avec parfois l’obligation d’interdire des accès à tel ou tel labo qui n’avait pas d’abonnement.

Cela est un changement dans la philosophie de la bibliothèque. L’Open Access nous a semblé philosophiquement intéressant et un des intérêts est de revenir au cœur de l’édition scientifique c’est-à-dire faire circuler vite la connaissance et les découvertes entre des communautés parfois éloignées. Il faut que les gens échangent, critiquent et amendent, sans obstacle financier ou de temps. Plus c’est rapide et mieux c’est. L’Open Access permet aussi une réflexion sur le patrimoine scientifique et de garder la mémoire de la construction scientifique. C’est un peu à l’opposé de l’édition scientifique qui, avec sa concentration de gros monopoles a oublié ses missions de départ de circulation du savoir. Les chercheurs ont par ailleurs perdu, avec les questions d’évaluation, leur capacité à élaborer leur stratégie de publication. Qu’est-ce que je veux faire de ce texte ? Comment je veux le diffuser ? L’Open Access remet le chercheur au cœur de la façon dont il souhaite communiquer avec ses pairs et avec la société puisque c’est l’Etat qui finance la recherche.

Du côté des bibliothèques, elles peuvent assurer la visibilité de la production de son université et ses spécificités dans tels ou tels domaines. Cela converge avec les problématiques de l’Open Access. Avec la mise en place de plateformes institutionnelles ou des portails HAL, les bibliothèques se sont emparées du sujet. Mais elles ne peuvent faire cela toutes seules. Avant tout, cela doit rencontrer l’intérêt de la communauté universitaire. Il faut prendre garde à ce que le portail ne devienne pas la chose de la bibliothèque. Cela doit être la chose du chercheur et si des décisions doivent être prises, c’est au sein de la commission Recherche de l’Université. C’est la chose de la communauté.

Maintenant que le mouvement de l’Open Access est largement partagé, l’ouverture des données de la recherche étend encore la diffusion. La loi Pour une république numérique ou encore certains programmes d’Horizon 2020 recommandent, voire imposent, le dépôt du plan de gestion des données. Pouvez-vous nous dire où en est l’Université avec l’ouverture des données ?

Les universités à l’étranger sont plus en avance que les universités françaises. Je pense notamment à la Grande-Bretagne, au Pays-Bas ou encore la Suisse avec l’Ecole polytechnique de Lausanne. Le programme Horizon 2020 a été un coup d’accélérateur au niveau européen. Après le libre accès, il a été très vite question du partage des données, à la fois pour vérifier la qualité de ce qui est produit et parce que certaines données sont très coûteuses à produire comme les données astronomiques. Aussi pour ne pas s’épuiser à trouver des financements pour reproduire des données existantes. Tous les champs sont concernés (sciences sociales et sciences dures).

Ce qui est important ce sont les plateformes thématiques (comme le CDS en astronomie ou encore Huma-num pour les humanités numériques). Il existe des plateformes en sciences sociales, en sciences de l’environnement. En fait, il y a une coexistence de plateformes thématiques, par exemple pour les données médicales comme Biosharing et de plateformes institutionnelles. Les plateformes sont bien référencées par des sites comme Re3data notamment.

Comment cela fonctionne-t-il pour le dépôt ?

Les communautés de recherche sont porteuses des dépôts. On sait normalement où aller. Par exemple, si on travaille sur toutes les données liées aux enquêtes qualitatives, il y a des infrastructures qui gèrent ce type de données. Pour les dépôts des données en sciences de la terre et de l’environnement, on pourra se tourner vers Pangaea. Les infrastructures permettent une relation contractuelle et de bénéficier des outils mis à disposition.

Le dépôt est-il fait seul par les chercheurs ?

Cela dépend des communautés. Dans certains cas, la question ne se pose pas. Cela dépend aussi des financements de type européen avec l’obligation de réalisation d’un plan de gestion des données. La plateforme Doranum permet de référencer des outil, des tutoriels qui permettent de se familiariser très vite avec les plans de données.

Et vous, en tant que bibliothécaire, est-ce que vous présenter des plans de données, est-ce que vous aider à les monter ?

Pour l’instant, cela ne s’est jamais trouvé. A Grenoble, dans le cadre de l’Idex (Initiative d’excellence), la mise en place d’un data centre est en cours de concrétisation avec différentes briques qui correspondent à certaines thématiques (données médicales, humanités numériques, données liées à l’environnement). Il sera équivalent à celui l’Université de Paris-Saclay. Actuellement, nous ne participons pas à la création d’un plan de gestion des données mais cela fait partie des évolutions incontournables de nos missions. Nous sommes néanmoins associés au signalement et au dépôt des jeux de données du Labex Persyval (maths appliquées, informatique appliquée). La bibliothèque a été associée au titre de la participation à HAL. Dans le Grenoble Data Center, la bibliothèque devrait être associée au titre des humanités numériques. Mais nous ne savons pas encore précisément quel sera notre rôle dans cette infrastructure. La formation est au cœur de nos problématiques actuelles pour accompagner les chercheurs dans cette nouvelle étape.

Merci à Lucie Albaret pour son accueil et ce généreux échange.

Toutes les ressources visuelles et les plusieurs enregistrements audio sont disponibles sur : 

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