Design thinking & UX design : est-ce une bonne stratégie pour l’entreprise ?

Alvaro Reyes en train de créer un wireframe
Conception de wireframe, photo Alvaro Reyes Unsplash

La créativité, c’est l’intelligence qui s’amuse — Albert Einstein

Comment les méthodes liées au design – Design thinking et UX Design – ont-elles conquis l’entreprise ? À quoi correspondent-elles et comment favorisent-elles l’innovation ? Qu’est-ce que la créativité a de bon à apporter ? Quand est-ce que l’observation de mes clients devient intrusive ? Nous prenons le temps de cet article pour vous montrer que les méthodes liées au design sont de bons arguments pour l’entreprise, tant sur la créativité qu’elle permet d’insuffler que sur le fait de nous recentrer sur l’humain qui est en nous.

Design thinking & UX Design : une solution pour l’entreprise

Une start-up qui tente de lancer un nouveau produit. Une entreprise renommée dont les ventes commencent à chuter. Un entrepreneur qui souhaite répondre à un besoin précis de son client.

Nombreuses sont les entreprises qui ont besoin d’innover, repenser et concevoir leurs produits. Il n’est pas toujours simple de trouver la méthode qui fonctionne, et qui parviendra à tous les coups à satisfaire son utilisateur final. Dans ce cas, pourquoi ne pas faire participer ce dernier à la conception du produit pour éviter les erreurs ?

Qu’est-ce que l’UX Design ?

L’UX Design – User Expérience Design – est un terme anglo-saxon que l’on traduit par le design d’expérience utilisateur, parfois réduit au terme d’expérience utilisateur. En effet, le terme design peut être équivoque pour un français, car il renvoie dans ce contexte à la conception. Sylvie Daumal va plus loin dans son ouvrage sur le Design d’expérience utilisateur en préférant la définition de dessin à dessein. En d’autres termes, le design tend à traduire le besoin de résoudre un problème (c’est le dessein) en modelant le produit ou le service (ici, le dessin).

Le design thinking, et plus particulièrement l’UX design, tendent à intégrer l’utilisateur dans les modes de conception. Ce sont avant tout des méthodes, des guides pour permettre aux personnes responsables des projets d’innovation dans les entreprises de développer un produit plus centré sur les attentes et les besoins de ses clients.

La méthode du design thinking se décline en 5 étapes clés : la phase d’empathie, puis d’immersion, d’idéation, de prototypage et d’implémentation. Il est possible de faire appel aux futurs utilisateurs à chacune de celles-ci.

Emmanuel Brunet dans La Boîte à outils du Design thinking étend la notion d’utilisateur à toute personne pouvant par empathie prendre la place d’un utilisateur. Ce peut être ainsi : votre équipe, vos collègues dans leur diversité la plus riche, vos proches, vos voisins, etc.

L’UX design est très proche du design thinking puisque ses phrases y sont similaires. En effet, selon les Méthodes de design UX, Carine Lallemand nous décrit le processus de conception aussi en 5 étapes : la planification, l’exploration des besoins utilisateurs, l’idéation, la génération de solutions et l’évaluation itérative.

Ces modes de conception connaissent un intérêt grandissant, et sont dans la continuité des enquêtes de satisfaction qu’ont longtemps utilisé les entreprises aux débuts des années 2000. Les outils du design sont en revanche une solution qui semble plus souhaitable, puisqu’elles interviennent avant la conception du produit ou du service, et donc avant l’engagement de coûts.

C’est d’autant plus un argument important pour trouver des financements. Rémi Rivas explique d’ailleurs dans sa conférence sur le design thinking que les créateurs de DropBox ont su mettre à profit la participation de leurs futurs utilisateurs. Ils ont notamment réalisé une campagne de pub sur le projet de Dropbox (alors que celui-ci n’existait pas encore) pour finalement se rendre compte que de nombreuses personnes ont non seulement cliqué sur le produit, mais ont en plus laissé leur email pour pouvoir bénéficier du produit dès qu’il sortirait.

C’est grâce à l’analyse qui a été faite de ces données utilisateurs, qu’ils ont pu ensuite convaincre des investisseurs.

Quelques outils

  • Le partage d’expériences
  • L’observation
  • L’entretien
  • Le storytelling de restitution
  • Les personas
  • La carte d’empathie
  • Le brainstorming
  • Le dessin
  • Le prototype en Fab Fab
  • L’interview-test
  • Le SWOT
  • Le Roadmap
  • Le Moodboard

La créativité comme mot d’ordre dans l’entreprise

Le point commun qu’ont ces méthodes de design, c’est qu’elles sont pensées pour booster la créativité. Et pour cause… Au départ, ces méthodes sont inspirées des sciences graphiques. En effet, pour maximiser sa créativité, le graphiste doit respecter un cadre pour comprendre au mieux les besoins de ses clients. C’est pourquoi, les briefs sont généralement riches en informations sur les valeurs, les attentes et les besoins du client.

Ce besoin de créativité semble nécessaire dans les entreprises pour réussir à innover, et il l’est d’autant plus lorsqu’il sait répondre aux besoins des clients. Dans ce cas, comment peut-on maximiser la créativité de ses employés ?

Un article scientifique récent a démontré à quel point il était préjudiciable à l’esprit créatif d’une personne lorsqu’une autre exerçait une pression autoritaire [1] trop importante.

Artiste peintre en pleine créativité
Créativité, photo Alice Dietrich Unsplash

Comment procéder alors ? Emmanuel Brunet propose une solution : adopter l’état d’esprit du design thinking. En effet, le design thinking est par lui-même stimulateur de créativité, et suppose d’adopter des lignes directrices comme avoir le droit à l’erreur, s’appuyer sur des valeurs humaines ou encore privilégier l’expérimentation. [2]

Or, de nombreux écrits en développement personnel suggèrent quant à eux que la créativité démarre lorsque l’on ose sortir de sa zone de confort. D’après la slasheuse Powa dans Mon cahier Rituel Power, sortir de sa zone de confort correspond à réaliser une action que nous n’aurions habituellement pas réalisé par contrainte. [3] Cela rejoint en effet le fait qu’exercer une forte autorité empêcherait de laisser prospérer la créativité de ses employés.

Par conséquent, il est important de revoir les méthodes managériales mises en place au sein de l’entreprise, et mettre en avant le design thinking !

L’expérience utilisateur : nous recentrer sur l’humain.

Connaître les besoins des utilisateurs, de son client, est tout à fait louable. En effet, un produit est un bien destiné à être consommé ou servir le destinataire final. À l’heure où le client devient consom’acteur, il est essentiel pour l’entreprise de placer ses besoins avant les profits. Cela passe par une observation de ses propres attentes en tant que client, mais aussi d’en apprendre le plus sur les utilisateurs et être capable de dénicher des profils – c’est notamment l’outil des personas qui le permet.

Toutefois, il est intéressant de se demander jusqu’où peut se conduire ses observations ? À partir de quand le client devient un rat de laboratoire ? Depuis plus de quarante ans, IKEA finance des études pour comprendre et analyser les comportements humains. Aux moyens de procédés sémiotiques, Per Ledin et David Machin démontre que le géant suédois est parvenu à coder les faits et gestes de la bonne ménagère en cuisine pour les traduire en significations qui seront intégrées dans un algorithme et implantées dans les appareils domestiques.

Ces intrusions ont certes pour objectif de satisfaire les besoins des utilisateurs, mais pourtant, elles semblent pour le moins déshumanisantes en raison de l’importance que prend la technologie dans la vie quotidienne. Il est intéressant donc de se positionner en tant qu’entreprise lorsque l’on souhaite utiliser les méthodes du design. Elles prônent en effet une vision centrée sur l’humain, à charge pour celui qui s’en prévaut de rendre son entreprise plus humaine.

Centrer les objectifs annuels sur la cohésion des équipes, le bien-être de l’entreprise et la valorisation de tous à tous les niveaux nous rapproche de l’humain. Et pour s’en convaincre, le fondateur d’Amazon, Jeff Bezos a d’ailleurs dit:

Si nous commençons à nous concentrer sur nous-mêmes, au lieu de nous concentrer sur nos clients, ce sera le début de la fin.

Post-it "Things to do"
« Things to do », photo AbsolutVision Unsplash


Notes

[1] Traduction pour le terme anglais « overparenting »

[2] BRUNET EMMANUEL. La boîte à outils du design thinking : 67 outils clés en main + 4 vidéos d’approfondissement. Malakoff : Malakoff : Dunod, DL 2019, 2019.

[3] POWA. Mon cahier rituel power. [S. l.] : edi8, 6 septembre 2018. ISBN 978-2-263-15928-2. Google-Books-ID: D9xqDwAAQBAJ.

Bibliographie

BRUNET EMMANUEL. La boîte à outils du design thinking : 67 outils clés en main + 4 vidéos d’approfondissement. Malakoff : Malakoff : Dunod, DL 2019, 2019

DAUMAL SYLVIE. Design d’expérience utilisateur : principes et méthodes UX. 3e édition. Paris : Paris : Eyrolles, DL 2017, 2017

HÖLZLE, Katharina, BOER, Harry et BJÖRK, Jennie. From past to present and beyond: New perspectives on creativity, collaboration, and innovation. Creativity and Innovation Management [en ligne]. 2020, Vol. 29, no 1, p. 3‑4. DOI 10.1111/caim.12366

LALLEMAND, Carine et GRONIER, Guillaume. Méthodes de design UX: 30 méthodes fondamentales pour concevoir des expériences optimales. 2ème édition. Paris : Eyrolles, 2015. [Consulté le 9 janvier 2020]. ISBN 978-2-212-73397-6. URL : http://univ.scholarvox.com/book/88863440

LEDIN, Per et MACHIN, David. Forty years of IKEA kitchens and the rise of a neoliberal control of domestic space. Visual Communication [en ligne]. SAGE Publications, Mai 2019, Vol. 18, no 2, p. 165‑187. DOI 10.1177/1470357218762601

POWA. Mon cahier rituel power. [S. l.] : edi8, 6 septembre 2018. ISBN 978-2-263-15928-2. Google-Books-ID: D9xqDwAAQBAJ

INNOV CAMP 2016 – Le Design Thinking un processus essentiel au développement d’une start-up – YouTube [en ligne]. [s. d.]. [Consulté le 17 mai 2020]. URL : https://www.youtube.com/watch?v=IVsXwCDl6G8&feature=youtu.be