A la croisée des transitions numérique et écologique – Les pouvoirs publics s’investissent dans le changement et l’innovation

La question de l’évolution de notre société vers une société plus vertueuse est une question d’envergure. Plus qu’une simple volonté d’amélioration, il est question d’une nécessité face au réchauffement climatique et donc, au besoin de préserver notre environnement. Néanmoins, notre société reste progressiste et innovante, il n’est donc pas question de renoncer aux avancements technologiques que nous avons fait, mais au contraire, d’utiliser ces outils au service de cette cause. Nous allons voir comment, ces deux forces transformatrices de cette société, peuvent s’allier et permettre de penser à un futur plus vert.

Deux transitions aux antipodes mais pourtant liées

Deux sujets reviennent lorsque nous parlons de forces transformatrices dans notre société : La transition numérique, et la transition écologique.

La transition écologique cherche à évoluer vers un modèle de développement durable, en changeant les façons de consommer, de travailler, de vivre ensemble pour répondre à des grands enjeux environnementaux : le changement climatique, la raréfaction des ressources, la réduction de la biodiversité et la multiplication des risques sanitaires environnementaux. La transition numérique, elle, cherche à s’adapter au développement rapide et constant des nouvelles technologies afin d’améliorer les performances et de faire du numérique un véritable levier de croissance économique. Les outils numériques sont intégrés pour réinventer les modèles, les métiers, et transforment la société et l’économie.

A première vue, on pourrait croire que ces deux causes sont hétérogènes. Elles semblent même être aux antipodes. Le numérique est une industrie énergivore, où les objets sont rapidement obsolètes… ces deux points s’opposent déjà aux principes de la transition écologique. Mais le numérique est en réalité à un carrefour de possibilités : il peut tout autant augmenter l’empreinte carbone comme permettre de la réduire. Le numérique peut accélérer la transition écologique, grâce au développement d’outils numériques. Par exemple il serait possible d’après, le rapport « System Transformation. How digital solutions will drive progress towards the sustainable development goals. Global e-sustainability initiative », publié en 2017, de réduire les émissions mondiales de CO2 de 20% d’ici 2030.

C’est sur ce point que les deux transitions convergent, rénover les pratiques pour permettre un futur meilleur. Il existe même une interdépendance entre ces deux causes, selon Daniel Kaplan et Renaud Francou, « La transition écologique sait raconter son but, mais peine à dessiner son chemin. La transition numérique, c’est le contraire. Chacun a besoin de l’autre » [1]. L’enjeu est donc de mettre la transition numérique au service de la transition écologique. Cette convergence est nécessaire pour accélérer la transition numérique, mais c’est également une opportunité de faire des acteurs du numérique des piliers incontournables de l’économie de demain, tout en étant sobre en ressources.

Pour réussir cette convergence du numérique et de l’écologie, leurs acteurs respectifs doivent développer des méthodologies et des stratégies d’actions partagées. Le but étant de réduire les impacts environnementaux du numérique et de mettre son potentiel d’innovation au service de la transition écologique. C’est aujourd’hui, dans le concret, que les débats prennent part. La question de la conciliation du numérique et de l’écologie est saisie par quelques pionniers. Des acteurs privés, notamment des entreprises et des start-ups, mais aussi dans la sphère publique, des collectifs citoyens et des associations .Plus récemment des collectivités et des administrations ont pris part à la mise en place de solutions.

Place à l’action : des projets à différentes échelles

A l’échelle nationale : La GreenTech verte

Logo de la Green Tech VerteInitié par le ministère de la transition écologique et solidaire, la GreenTech verte a pour vocation de développer de nouveaux usages et services pour les citoyens grâce à l’utilisation d’outils numériques, et à l’exploitation de données ouvertes.

Ce projet lancé en février 2016 concerne tous les domaines de la transition écologique : économies d’énergie, énergies renouvelables, bâtiment durable, transports propres, gestion des risques, économie circulaire, protection de la santé, biodiversité.

Depuis 2016 un réseau d’incubateurs s’est développé avec le soutien de la GreenTech verte, il s’est imposé comme outil majeur de la démarche. Plusieurs opérations ont été organisées : hackatons, appels à projets et concours des écoles du ministère. Elles ont permis d’identifier les jeunes entreprises les plus innovantes, et de les intégrer aux incubateurs. Ces projets doivent concourir à la transition écologique. L’accompagnement proposé se focalise sur le renforcement de la dimension verte des projets. Grâce à ce réseau, les start-ups ont accès à des ressources documentaires et matérielles mais également à l’aide et au soutien d’acteurs compétents et influents : le ministère de la transition écologique et solidaire, mais également les grandes écoles, l’IGN (Institut national de l’information Géographique et Forestière), Météo-France, l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maitrise de l’énergie). Elles sont également accompagnées par des partenaires extérieurs pour valoriser leur projet sur des aspects marketing, management, finance et communication.

En 2018, la GreenTech verte s’est lancée dans la création d’un « lab » sur les données énergies. Celui-ci a pour but de développer la connaissance sur les données de consommation locale d’énergie afin qu’elles puissent être utilisées efficacement pour l’application de la transition écologique dans les territoires. Le lab se repose sur les collectivités, les premières à pouvoir agir dans la maitrise des consommations d’énergie et la promotion des énergies renouvelables. Au travers de ce système il serait possible de mieux connaitre les données, de pouvoir en conséquence diagnostiquer les faiblesses et les besoins, et enfin d’agir.

A l’échelle régionale : Green concept en Région Occitanie

Logo Green concept

Green concept est un projet concret de soutien et d’accompagnement d’entreprises locales pour intégrer des pratiques d’écoconceptions dans le développement de leurs produits et services Numériques.

Un appel à candidature a été lancé en 2018 par l’ADEME en région Occitanie. A la clé : 3 sessions de formation, 10 entreprises par session pourront être accompagnées sur 18 mois. Les entreprises auront : 1 jour de diagnostic et 5 à 7 jours d’accompagnement individuel dans le but de les aider à réduire l’impact environnemental de leurs produits et services, et en valoriser les résultats grâce au développement d’une stratégie de communication. Les entreprises suivront des ateliers collectifs ayant pour but d’aider les entreprises à monter en compétence sur le sujet « Green IT ». Mais également de permettre aux entrepreneurs d’échanger entre eux à propos de leurs pratiques. Enfin les résultats de toutes les entreprises seront valorisés par les partenaires de l’opération au niveau local et national.

Cette formation permettra aux entreprises de mesurer et de réduire l’impact environnemental de leur production, de participer au développement de services numériques plus respectueux de l’environnement, d’améliorer l’expérience client, de réduire les couts d’investissement et de fonctionnement de leurs solutions numériques, de valoriser la réduction d’impact environnemental sans greenwashing, de participer à la diffusion de bonnes pratiques.

Par ailleurs, au travers de ce projet, la région Occitanie investira 7000€ par entreprise, permettant de faciliter l’accès financier à cette formation, les entreprises n’auront qu’à investir 500€ pour acquérir des nouvelles compétences et se positionner comme acteur de la transition écologique et numérique.

L’oeuvre de constants efforts militants

Ces projets ne sont apparus comme par miracle sur la scène publique, il s’agit d’un long travail de la part d’associations, d’instituts, de fondations etc. tous mobilisés en faveur de la convergence des transitions, qui ont lutté pour faire entendre leur parole et leur volonté de voir les pouvoirs publics s’investir dans cette cause.

Cette « lutte » s’est notamment matérialisée par la conception d’un livre blanc numérique et environnement écrit en collaboration par un groupe de travail porté par l’institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI), la fondation Internet Nouvelle Génération (FING), l’association WWF France, et le site web et projet GreenIT.fr, le réseau Transitions². Ensemble, ces acteurs se sont réunis pour contribuer à la discussion sur les actions que les pouvoirs publics, que ce soit au niveau local ou national, pourraient prendre pour faire de la transition numérique un levier de la transition écologique. Ce livre blanc, issu d’une collaboration inédite, a pour but d’impulser le débat sur les mesures appropriées à prendre. En proposant 26 préconisations, il entend également susciter des contre-propositions et des propositions complémentaires. Le but étant de nourrir la réflexion des pouvoirs publics qui veulent passer à l’action ou de renforcer celles déjà mises en place par les entreprises notamment.

Ces recommandations à destination des acteurs publics s’articulent autour de 4 axes : La réduction de l’empreinte écologique, l’utilisation du numérique pour mieux concevoir les politiques écologiques, le soutient de l’innovation numérique en faveur de l’écologie, la mobilisation du potentiel des données au service de la transition écologique.

Parmi les 26 propositions énoncées, les auteurs mettent par exemple en avant, les solutions suivantes: 

  • Généraliser l’affichage durabilité sur les équipements numériques; 
  • Rendre obligatoire l’éco-conception des services numériques publiques et des grandes entreprises;
  • Réserver une place dans les programmes d’innovation(s) numérique(s) à des projets innovants focalisés sur la production d’impacts écologiques radicaux;
  • Créer des territoires d’expérimentation numérique et écologique pour accueillir les innovateurs qui veulent collaborer avec les pouvoirs publics.

Ce livre blanc a été remis à Brune Poirson, secrétaire d’état auprès du ministre de la transition écologique et solidaire, ainsi qu’à Mounir Mahjoubi, secrétaire d’état auprès du ministre chargé du Numérique, le 19 mars dernier. [2]

Des résultats concluants mais toutefois perfectibles

Chose dont le pouvoir s’était déjà saisi au travers de la Loi du 17 août 2015 relative à la transition écologique pour la croissance verte. Cette série de dispositions concerne notamment la lutte contre l’obsolescence programmée, le gaspillage des énergies au travers de sa partie IV. Mais cette série affirme également la volonté d’avancer conjointement, de donner aux citoyens, aux entreprises, aux territoires et à l’état les moyens d’agir ensemble pour la transition énergétique, écologique par le numérique.

Les recommandations ne visent pas uniquement le gouvernement, mais également les acteurs publics au sens large. Le livre blanc se veut donc être un outil pour tous. Selon Pascal Canfin, directeur général de WWF France « La prochaine étape, c’est de rentrer en contact avec les personnes en charge dans les collectivités ou les universités, pour pouvoir faire vivre le livre blanc » [3].

Comme nous avons pu le voir, il apparaît que des projets voient le jour sous l’impulsion de cette mobilisation en faveur de la convergence de la transition numérique et de la transition écologique, mais ces projets semblent encore avoir du mal à se banaliser dans toutes les strates des pouvoirs publics. Comme nous avons pu le voir, ces projets s’implantent dans les grosses administrations, à l’échelle nationale, par des projets mais également par des inscriptions plus durables, au travers des lois. Cette implication prend par également à l’échelle régionale, mais il est plus difficile de voir fleurir ce genre de projet d’ampleur à l’échelle locale. Il faut néanmoins laisser du temps à tous les acteurs pour pouvoir s’emparer du sujet à sa manière, et pour trouver la façon d’intégrer la question du développement durable, dans le cadre de ma transition numérique, à leurs champs d’actions.

BIBLIOGRAPHIE

[1] KAPLAN D., FRANCOU R. Faire converger les transitions numérique et écologique. Annales des Mines – Responsabilité et environnement. 2017/3 (N° 87), p. 13-16.

[2] [3] COUDERT G. Un livre blanc pour que développement du numérique et écologie ne soient plus incompatibles. [En ligne] 2019 [Consulté le 12 avril 2019] Disponible à l’adresse: www.linfodurable.com

IDDRI, FING, WWF FRANCE, GREENIT.FR. Livre blanc Numérique et Environnement. [en ligne] 2018. [Consulté le 10 avril 2019] Disponible à l’adresse : https://www.iddri.org/sites/default/files/PDF/Publications/Catalogue%20Iddri/Rapport/livre%20blan c%20num%C3%A9rique%20%C3%A9cologie.pdf

SERVEILLE H., et LAVERGNE R. Introduction .Annales des Mines – Responsabilité et environnement. 2017/3 (N° 87), p. 8-10.

GREEN TECH VERTE. Site web. Disponible à l’adresse: http://greentechverte.fr/

ADEME OCCITANIE. Appel à projet GreenConcept. Dispoinible à l’adresse: https://occitanie.ademe.fr/actualites/appels-projets/greenconcept-leco-conception-au-service-du- numerique-ademe/region/cci-lr

TRANSITIONS². Site Web. Disponible à l’adresse: http://www.transitions2.net/